dim. Août 3rd, 2025

À quelques pas de l’estuaire, au croisement des eaux douces et des vents marins, l’abbaye de Daoulas s’est installée dans un repli stratégique de la vallée. À la frontière de deux seigneuries, entre les évêchés de la Cornouaille et du Léon, ce lieu a vu naître bien des histoires.

 

Un passé en mille strates

Fondée au XIIe siècle par les chanoines de l’ordre
de Saint-Augustin, l’abbaye semble avoir hérité
d’un monastère plus ancien. Détail après détail,
son architecture raconte les époques traversées :
un cloître roman, une vasque sculptée classée
Monument Historique, un oratoire du XVIe
siècle… Au fil du temps, l’abbaye de Daoulas
grandit avec la ville et s’épanouit grâce aux
échanges commerciaux qui font la prospérité
du territoire : l’export de lin, de maërl et de
kersantite, la pierre locale.
Mais comme tant d’autres en Bretagne, Daoulas
entre en déclin avec l’instauration du régime de la
commende. Deux cents ans d’abandon suivront,
jusqu’à la Révolution. Vendue en tant que bien
national, elle devient demeure bourgeoise,
collège, maison de repos… Mille vies en une
vie, jusqu’à son rachat par le département du
Finistère en 1984. Daoulas change encore une
fois de peau, mais pas d’âme

 

L’histoire du Finistère dans chaque pierre

Contrairement aux monastères reclus, Daoulas
fut toujours ouverte sur la ville : elle est d’ailleurs
l’une des rares abbayes citadines. Ses chanoines
se mêlent à la population, et les habitants les
plus riches vivent à quelques pas de son entrée,
dans la rue qui la relie au centre bourg. La longue
prospérité de Daoulas doit beaucoup à son
implantation. Terres fertiles, eau en abondance,
accès portuaire : rien n’est dû au hasard. Même
ses matériaux viennent des sols voisins : pierre
blonde de Logonna pour les murs, kersantite
sombre pour les détails sculptés. C’est Joseph
Bigot, célèbre architecte quimpérois, qui
restaurera le cloître au XIXe siècle, vingt ans
après avoir dessiné les flèches de la cathédrale
Saint-Corentin

 

Un souffle venu d’ailleurs

Aujourd’hui, l’abbaye de Daoulas n’entretient plus les savoirs religieux, mais la
rencontre. À travers ses expositions, elle invite à regarder le monde autrement.
Chaque saison ouvre ses portes à de nouvelles cultures : artistes inuits et
aborigènes en 2010, musiques du monde en 2012, ou, plus récemment, « Des
samouraïs au kawaï », qui a attiré 75 000 visiteurs.
Au cœur du domaine, le végétal prolonge cette ouverture. Le parc médicinal puise
dans les pharmacopées des cinq continents, tout en cultivant la paix monastique
et l’essence des jardins d’abbaye : prendre soin des Hommes. Ici, la spiritualité
se vit en communion avec la nature : balades photographiques, cours de yoga
entre les massifs… Une harmonie discrète, mais vivante, un refuge pour l’âme et
le corps