ven. Oct 10th, 2025

Entre mer et montagnes, Argelès-sur-Mer dévoile un passé aussi riche que ses paysages. Derrière son image de station balnéaire animée, la commune conserve l’âme d’un village catalan dont les racines plongent dans plus d’un millénaire d’histoire.

Des premières mentions au IXᵉ siècle à son intégration au royaume de France, en passant par l’âge d’or du royaume de Majorque et les bouleversements du XXᵉ siècle, chaque époque a laissé son empreinte dans la pierre et dans la mémoire des habitants.

A travers le clocher de Notre-Dame del Prat, les pins centenaires du littoral, les anciennes tours de guet et les souvenirs marqués par l’exil espagnol, Argelès-sur-Mer invite à remonter le temps et à découvrir les récits qui ont façonné son identité unique, entre patrimoine préservé et art de vivre méditerranéen. 

Aux origines, un village entre mer et montagnes 

Nichée entre la Méditerranée et le massif des Albères, Argelès-sur-Mer s’inscrit dans une histoire vieille de plusieurs millénaires. Mentionnée pour la première fois en 879 sous le nom de Villa de Argelarii, la localité tire peut-être son nom de l’argile abondante dans ses terres, utilisée par les potiers dès l’Antiquité. Cette position, à la fois littorale et adossée aux reliefs, lui confère un double visage : un port naturel ouvert vers le large et un refuge protégé dans l’arrière-pays.

 

Bien avant l’époque médiévale, la région était déjà habitée par les premiers hommes. Dans le massif des Albères, les dolmens de granit, de schiste et de gneiss, érigés entre 3500 et 2000 avant J.-C., sont de véritables fenêtres sur la vie des communautés néolithiques.  
Perché dans le bois de Valmy, le Dolmen de la Cova de l’Alarb, classé Monument Historique, domine la vallée. Fouillé en 1971, il garde son mystère, ayant été visité bien avant par des pilleurs. Plus loin, le Dolmen de Sant Pere dels Forquets, découvert dans les années 1990, intrigue par son état de ruine avancée. Quant au Dolmen des Collets de Cotliure, également classé, il a perdu sa dalle de couverture, déplacée au nord du tumulus, laissant planer l’énigme de sa forme originelle.

Le Moyen Âge, un âge d’or marqué par les rois de Majorque

 

Dès le Moyen Âge, Argelès-sur-Mer se fortifie et s’organise autour de son église, de ses remparts et de ses tours de guet. Au XIIIᵉ siècle, Argelès intègre le royaume de Majorque, un petit État méditerranéen né du partage des terres du roi Jacques Ier. La Croisade d’Aragon (1284-1285) plonge la région dans le chaos : les troupes françaises de Philippe le Hardi franchissent les Albères mais sont vaincues à Palamos, et la mort du roi à Perpignan met fin à la campagne. 
Malgré ces troubles, Argelès connaît un véritable essor sous le règne de Jacques II de Majorque. Le Capbreu de 1292 recense déjà près de 1 500 habitants, ainsi que 250 jardins et 80 vignobles : un village prospère, entouré de vergers et de terres cultivées. Le roi lui-même séjourne régulièrement à Argelès avant d’embarquer à Collioure pour rejoindre les Baléares. En 1344, Pierre IV d’Aragon assiège la ville et le château de Pujol. Sa « Grande Machine de Barcelone » abat la tour principale, contraignant la cité à se rendre. Le roi pardonne les habitants, mais la chute du royaume de Majorque est scellée quelques semaines plus tard. 
L’époque médiévale façonne durablement le paysage architectural d’Argelès. Ici, pas de fioritures : les formes sont massives, simples et solides. Arcs en plein cintre, voûtes en berceau et murs épais dominent, suivant le style du gothique méridional qui préfère la robustesse à la légèreté des grandes cathédrales du Nord.
  • Notre-Dame del Prat : Dominant la place Saint-Côme et Saint-Damien, cette église gothique du XIVᵉ siècle impressionne par sa nef unique, ses chapelles latérales et ses voûtes en ogives. Les galets du Tech et les pierres de l’Albera composent ses murs. À l’intérieur, le style bascule vers un baroque lumineux, orné de dorures éblouissantes. Inscrite à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 2004, elle incarne la sobriété monumentale du gothique méridional.