lun. Avr 29th, 2024

AGUTTES AU RETROMOBILE 2024

Avant que n’ouvre dans quelques jours ce que la Terre entière considère comme le plus beau musée éphémère du monde, Gautier Rossignol, directeur du département Aguttes on Wheels, vous livre son bilan du marché 2023 avec un regard croisé entre deux continents.

Comme toujours, les chiffres ne mentent pas mais une lecture approfondie, entre les lignes, permet de mieux comprendre les subtilités du marché et ses tendances, susceptibles de se poursuivre en 2024…

 

AGUTTES au salon Rétromobile 2024
stand Hall 1 – M062

vendre ou acheter votre prochaine voiture de collection à l’occasion de notre traditionnelle Vente de Printemps qui se tiendra à Paris le 10 mars 2024.

Elles seront huit, sélectionnées avec la plus haute exigence, tant en termes d’intérêt historique que de beauté ou de rareté. Exceptionnelle à bien des égards, notre sélection fera la part belle aux moteurs six et huit cylindres allant des années 1920 aux années 1970. Chacune aura une histoire fascinante à raconter.

Les coulisses du marché : La dure réalité des chiffres
Par Gautier Rossignol

Depuis notre dernier sujet traitant de l’actualité du marché, les trois mois qui nous séparaient de la clôture annuelle n’ont fait que confirmer l’orientation du marché depuis ce début d’année. Entre enchères records et résultats mitigés, que s’est-il réellement passé sur la planète Auto ? Aguttes on Wheels vous donne les clés des tendances susceptibles de se poursuivre en 2024…

L’analyse des chiffres dans le détail lève le voile sur une vérité implacable. Plus d’un milliard cumulé et près de 6 000 voitures, voilà de quoi donner le tournis ! Mais si l’on considère que l’augmentation de 23% du nombre de voitures proposées aux enchères sur les ventes majeures du calendrier n’a généré que 2% du chiffre d’affaires 2023, nous sommes en droit de nous interroger sur la santé du marché. Pour tout comprendre de l’analyse qui va suivre, nous nous sommes focalisés sur les ventes aux enchères majeures à l’internationale et en Europe, cette année, et les avons comparés avec des événements identiques organisés en 2022. Il s’agit d’un spectre assez large comprenant les enchères traditionnelles (Amelia, Paris et Monterey) mais aussi quelques nouveautés à l’image de maisons à dimension européenne comme Iconic Auctioneers en Angleterre, Aguttes en France et Monaco Car Auction en Principauté qui s’illustrent par la qualité de leurs catalogues, aussi bien en termes de voitures présentées que de résultats. 

Au final, tous les indicateurs sont à la baisse même si le taux de vente général reste stable à 80 %. À l’inverse, le top 10 des voitures les plus chères de l’année totalise une progression colossale à près de 188 millions d’euros contre 102 millions en 2022 avec une information de taille qu’il faudra retenir : 25 ans séparent les deux exercices avec un millésime moyen de l’année 2023 à 1978 contre 1953 en 2022. Bien sûr, la Ferrari 250/330 GTO présentée lors d’un évènement dédié par RM Sotheby’s gonfle les chiffres, cependant cette hausse de 80% est à mettre en perspective face aux 20 voitures les plus chères proposées cette année, dont seulement 11 furent vendues. En 2022, ce chiffre était de 16… Autre information à retenir, pas une seule voiture d’avant-guerre et voiture des années 1950 figurent dans le Top 10 en 2023. Ce résultat est en partie dû à l’offre des catalogues mais symbolise pleinement l’évolution des goûts des acheteurs. L’unique Bugatti Chiron Profilée et la Mercedes-AMG Petronas F1 W04 âgée de 10 ans se sont fait remarquer avec des prix astronomiques mais, une fois de plus, Ferrari y occupe une place importante raflant quatre des cinq premières places du classement. Bien sûr, si certains d’entre vous auront noté que j’exclus manu militari un 250 GT SWB Spider et un LWB Spider de ce classement, cela est uniquement dû au fait qu’ils furent adjugés après la vente, sans communication de résultat. D’ailleurs, cette pratique nouvelle (comprenez par-là qu’il y a quelques années, les aftersales n’étaient jamais communiquées) permettant d’améliorer les taux de vente et de mettre en avant le travail des maisons de vente auxquelles on reproche souvent à tort de miser uniquement sur les enchères plutôt que sur le gré à gré… (c’est un non-sens !) met en exergue une tendance qui se confirme petit à petit. Par exemple, les vieilles pratiques visant à masquer l’estimation d’une star signée peut-être un peu trop chère avec l’espoir de réduire l’estimation à l’approche de la vente ne fonctionne plus. À la deuxième place du top 10, la sublime Ferrari 412 P aurait certainement pu attirer d’autres enchères si les acheteurs potentiels avaient su qu’elle pouvait être vendue à ce prix. (Rappel des faits, la voiture est annoncée avec la mention « prix sur demande » puis à une estimation basse de 35 millions de dollars et sera finalement adjugée 30,2 millions de dollars). Nous le rappelons encore une fois, la clé d’une vente réside dans l’estimation ! À ce petit jeu, Artcurial, avec son 250 LM (#5901) présentée dans les mêmes conditions, en fit également les frais.  Présentée cinq mois plus tard, la sanction coûtera chère à son vendeur mais l’histoire ne semble pas être terminée… Ferrari 250 LM toujours (#6167), les ventes fleuves s’écoulant sur deux ou trois jours auront certainement eu raison de cette excellente auto à Monterey chez RM Sotheby’s, la faute à un public certainement fatigué.
Ferrari, Porsche et Mercedes restent les marques favorites des collectionneurs ou tout du moins les plus représentées. Posséder un enfant de Maranello est un pari sûr avec un taux de vente stable autour de 90%. Porsche est forcément la marque la plus représentée juste devant Mercedes-Benz avec une incidence directe sur les résultats dans une période de stabilisation. Par ailleurs, on a beaucoup écrit sur les jeunes collectionneurs à la recherche des voitures de leur jeunesse. Si cela s’est produit pendant la période du Covid, là encore, un ralentissement se fait clairement sentir avec une répartition d’environ 80/20 entre les voitures d’avant et d’après 1992. Et pour la troisième année consécutive, le pourcentage de vente des voitures produites après 1992 est supérieur (91%) à celui des plus anciennes (74%), faisant écho à cette tendance qui ne cesse de se renforcer. Pourquoi 1992 me direz-vous ? Car c’est le chant du cygne pour la F40 et l’arrivée d’une nouvelle ère marquée par la mort d’Enzo Ferrari et l’apparition quelques année plus tard de la McLaren F1. Il fallait bien fixer une date !
Conséquence directe, toute cette génération constituée d’éditions limitées de Porsche, BMW, Mercedes-Benz AMG, Aston Martin ou Ferrari retrouve une deuxième jeunesse si elles bénéficient d’un historique limpide et d’une dénomination de couleurs originales. Les Formule 1 de la même période, voir plus récentes encore s’émancipent quand des ténors des années 50, 60 et 70 se tassent à l’image de la Maserati Ghibli, de la Ferrari Daytona, des Lamborghini 400 GT, Aston Martin V8 et Bentley R-Type Continental. Dans la même veine, les voitures d’avant-guerre, aux histoires aussi compliquées que leur authenticité est discutable, sont à l’arrêt. La vente de la Delage D6 3 Litres, deuxième des 24 Heures du Mans 1939, en aftersale chez Aguttes en est un parfait exemple. C’est grâce à son historique et à des archives exceptionnelles l’accompagnant qu’elle séduira une institution française soucieuse de préserver son patrimoine.
Aujourd’hui, plus que jamais, le marché veut les meilleures voitures et Gooding a prouvé à Monterey qu’une Simplex de 1912 appartenant au même propriétaire depuis 111 ans pouvait tenir la dragée haute à des voitures plus « bankables ». À plus de 3,7 millions d’euros, cette voiture singulière n’était pas une surprise mais la concrétisation de ce que l’on s’évertue à vous faire comprendre… Le meilleur, rien que le meilleur !
Enfin, permettez-moi de vous parler de la prolifération des ventes aux enchères en ligne, des ventes aux enchères privées ou de gré à gré. Si les deux dernières ne peuvent être analysées, les ventes aux enchères en ligne continuent de prendre une place importante sur le marché mais il est important de préciser le ticket moyen de ces ventes tournent autour de 35 000 € en faisant feu de tout bois, mélangeant le bon et le mauvais sans cohérence et en apportant en service client que l’assurance de devoir se débrouiller seul si quelque chose n’allait pas. De son côté, Le géant américain Bring a Trailer devrait annoncer un chiffre global supérieur aux 1,22 milliard d’euros enregistrés en 2022. Sur la même période, le petit concurrent britannique Collecting Cars fait état d’une augmentation de son chiffre d’affaires d’environ 17%, à 244 millions d’euros. Tout de même…

Last but not least… Mecum présentait le week-end dernier à Kissimmee une sélection à faire pâlir ses concurrents et le tout à la sauce Mecum ! Comprenez par la une vente fleuve sur une semaine, des milliers de voitures présentées, des enchères aux allures de rodéo bien loin de ce que nous connaissons en Europe et au final… une poignée de Ferrari qui échauffèrent les esprits aussi bien par leur rareté et leur prestige que par leur simple présence dans cette foire d’empoigne. Si une majorité d’entre elles se vendent, seule la 250 GT SWB California Spider s’est octroyée le « Sold » tant espéré, laissant sur le carreau le 275 GTS/4 Spider Nart et le 275 GTB/C Speciale. Nul doute que nous les retrouverons certainement l’été prochain sous d’autres cieux.

Quelques chiffres à retenir :
Toutes périodes confondus, le pourcentage de voitures vendues en dessous de l’estimation basse est de 59 % contre 46 % en 2022. 74% des voitures d’avant 1992 (moyenne d’âge à 1961) se sont vendues en nombre contre 85 % en 2022. 62 % contre 49 % en 2022 se sont vendues sous l’estimation basse et 46 % d’entre elles étaient présentées sans réserve.
Du côté des voitures nées après 1992 (moyenne d’âge à 2005) 91 % d’entre elles trouvent preneur aux enchères, 44 % d’entre elles se sont vendues en dessous de l’estimation basse contre 39 % en 2022 et 43 % d’entre elles étaient présentées sans réserve.

 

La Vente de Printemps 2024