Depuis le Pont-vieux qui enjambe la rivière du Tarn, la cité médiévale d’Albi se révèle, dominée par deux puissants témoins permanents de son histoire :
Le palais-forteresse épiscopal / palais de Berbie accueillant le musée Toulouse Lautrec.
Entièrement construits en brique, ils marquent la souveraineté retrouvée de l’Eglise romaine après un épisode de dissidence spirituelle et politique ayant mené à la première croisade sur le territoire de la chrétienté. Devenue cité épiscopale emblématique, Albi a poursuivi son développement tout en conservant son âme authentique. Elle constitue aujourd’hui un ensemble urbain rare et complet, caractéristique de l’Europe médiévale et de la Renaissance.
NAISSANCE D’UNE CITÉ EMBLÉMATIQUE
Dès le XIe siècle, les régions de Toulouse, Albi, Carcassonne et Foix voient naître parmi leur population un mouvement religieux qui va fortement déstabiliser la domination de l’Eglise catholique : le « catharisme ». Ses adeptes, désignés du nom d’ « Albigeois » par les chroniqueurs de l’époque médiévale, prônent une simplicité et un ascetisme dont l’Eglise romaine s’est fortement éloignée.
Ignorant les sacrements catholiques et l’autorité papale, la nouvelle religion met progressivement en place son propre clergé. Le haut niveau social de ses fidèles présente bientôt une sérieuse menace pour les pouvoirs établis et conduit l’Eglise romaine à lancer en 1208 la première croisade sur le territoire de la chrétienté occidentale, la croisade des Albigeois. A partir de 1233, le pape qui cherche à asseoir plus fortement son autorité met en place l’Inquisition, un tribunal en matière de foi qui réprime violemment les hérétiques.
A Albi, l’Inquisition nourrit longtemps la dissidence. Au milieu du XIIIe siècle, les intérêts des élites albigeoises s’opposent ouvertement à ceux de l’évêque Bernard de Combret, redevenu seigneur de la ville. Celui-ci débute alors la construction d’un puissant château, destiné à le protéger des révoltes de ses dépendants. Lorsque Bernard de Castanet lui succède en 1277, sa rigueur ravive les oppositions politiques et religieuses et conduit à une recrudescence du catharisme local. Le nouvel évêque y répond par un recours à l’Inquisition et l’emprisonnement d’une trentaine de ses opposants. Pour asseoir sa domination, il crée une cité épiscopale aux dimensions magistrales rassemblant le château de la Berbie, dont il poursuit la construction, et une nouvelle cathédrale, Sainte-Cécile, dont il inaugure la mise en chantier. Cet ensemble architectural, à la fois massif et austère, exprime aux yeux de tous la puissance incontestable de l’Eglise. Il devient un élément majeur du paysage urbain albigeois.
Pour édifier un tel ensemble, on choisit de raviver une tradition de la construction en terre cuite héritée de l’Antiquité romaine, avec pour unique matériau la brique dite « foraine ». Mesurant 5,5 x 22 x 37 centimètres, sa forme large, longue et plate permet de réaliser des monuments de grandes dimensions, pouvant résister aux charges de leur propre poids, et limite les phénomènes de fissuration. L’emploi de la brique foraine va ainsi permettre d’apporter une monumentalité aux ouvrages d’Albi. La largeur des murs y atteint plus de 2 mètres en moyenne à la base de la cathédrale Sainte-Cécile et 7 mètres pour les tours de la Berbie. Quant au volume des contreforts du vaisseau de la cathédrale, il dépasse 400 m3 pour chacun d’eux. Il en ressort une massivité imposante des bâtiments, dont la puissance volumétrique est renforcée par l’absence d’effet de style : la brique monochrome est ici traitée sans finalité décorative, à l’exception des jeux d’ombres parcourant les différentes surfaces de muraille.
Sa forme rectangulaire est ainsi mise au service d’une conception purement géométrique, d’un assemblage de volumes qu’aucun décor ne vient détourner de sa vocation militante. Cette conception architecturale très originale ne sera reproduite nulle part ailleurs, faisant du coeur de la cité épiscopale d’Albi une oeuvre unique.
UN CENTRE URBAIN REMARQUABLE
La vieille ville d’Albi, telle qu’on peut la découvrir aujourd’hui, reflète l’épanouissement d’un ensemble architectural et urbain médiéval, dont le Pont-vieux, le bourg de Saint-Salvi et son église du X-XIe siècle sont les témoins les plus anciens. Transformée en cité épiscopale emblématique avec l’édification de sa cathédrale Saint-Cécile et de son palais-forteresse de la Berbie au XIIIe siècle, elle revêt depuis les couleurs rouge et orangé de la brique. Ce matériau y est par la suite décliné dans l’intégralité de ses usages constructifs et décoratifs : compositions de brique et pierre alternée employées à la Renaissance pour bâtir les hôtels particuliers liés à l’économie du pastel, maisons à pans de bois et remplissage de briques du quartier du Castelnau et de la rue Saint-Julien, immeubles aux façades ornées d’éléments de terre cuite apparente. Ces bâtiments, qui déclinent toutes les nuances chromatiques de la brique foraine, apportent une grande cohérence visuelle au centre historique d’Albi. Comptant parmi les rares ensembles urbains caractéristiques de l’Europe médiévale et de la Renaissance à être aussi complets, remarquablement bien conservés et authentiques, la cité épiscopale d’Albi intègre la Liste du patrimoine mondial en 2010.
Symboles monumentaux de la puissance retrouvée de l’Eglise romaine au XIIIe siècle, le palais de la Berbie et la cathédrale Saint-Cécile s’imposent parmi les plus grands édifices médiévaux bâtis en brique de terre cuite. Le premier détonne par son style anachronique, radicalement opposé à celui des constructions contemporaines de l’époque, toutes de pierre, comme la cité de Carcassonne. Quant à la seconde, elle illustre un style architectural gothique méridional unique. Elle sera complétée aux XVe et XVIe siècles par une décoration intérieure peinte, un choeur et une statuaire du gothique tardif. Ses 18 500 m² de fresques et décorations font aujourd’hui de Sainte-Cécile la plus grande cathédrale peinte d’Europe. Riche de ses décors de style Renaissance italienne sur fond de bleu profond, de ses trompe l’oeil et de ses motifs géométriques aux multiples couleurs, l’intérieur de Sainte-Cécile se lit comme une Bible illustrée. En été, dans ses salles du Trésor, on peut y admirer un fac similé de la Mappa Mundi, l’une des deux plus anciennes représentations connues du monde tel qu’il était perçu au VIIIème siècle.
UNE DÉCOUVERTE AUTHENTIQUE
Embrasser pour la première fois du regard le centre historique d’Albi depuis la rive opposée du Tarn permet de mesurer toute la force qui se dégage de ce lieu, à jamais marqué par les conflits politiques et spirituels qui le promurent au rang de cité épiscopale.
L’imposante cathédrale Sainte-Cécile, le Palais de la Berbie et ses puissants remparts exercent encore une domination incontestée sur la ville, telle que l’évêque Bernard de Castanet l’avait voulue au XIIIe siècle. En franchissant le solide Pont-vieux, dont la construction en 1035 a favorisé l’essor commercial de la cité, on pénètre l’intimité de ses rues pittoresques bordées de maisons à colombages, d’hôtels particuliers de la Renaissance… Partout, la brique révèle sa palette de teintes rouge orangé sous l’effet de la lumière du jour et apporte une chaleur conviviale. Arrivé au pied de la cathédrale, le sentiment de domination se fait plus fort. Il précède celui de l’émerveillement, lorsqu’on pousse la porte des lieux. Cette richesse émotionnelle que procure la visite d’Albi est assurément porteuse d’une communion universelle autour de sa valeur patrimoniale. Elle fait de la découverte de la ville une expérience authentique et intime inoubliable.
TRÉSORS DE LA CITÉ ÉPISCOPALE
Cette découverte se poursuit par celle du palais de la Berbie, qui perd sa vocation défensive au XVe siècle pour se transformer en palais résidentiel. Il abrite aujourd’hui la plus grande collection publique au monde consacrée au célèbre Henri de Toulouse-Lautrec, natif d’Albi. Peintures, dessins, lithographies composent la riche collection du musée.
Elle transporte ses visiteurs dans l’univers multiple de l’artiste tout en traversant les magnifiques salles du palais, dont celle de l’ancien tribunal de l’Inquisition dotée d’un des plus importants pavements en terre cuite vernissée du XIIIe siècle.
Dans les rues de la cité médiévale, les vitrines des boutiques dévoilent le savoir-faire des artisans albigeois, souvent hérité de l’histoire des lieux : ainsi l’époque florissante du pastel, dont la fleur a été largement cultivée dans la région pendant la Renaissance, renaît dans les crayons, encres et objets teintés réalisés par l’Artisan Pastellier. La brique, symbole du patrimoine albigeois, est quant à elle déclinée dans des objets souvenirs authentiques (porte-clés, ,porte-couteaux…) fabriqués par la marque Murs Du Monde dans le respect des traditions. Côté gastronomie,
l’atelier d’Yves Thuriès, chocolatier doublement titré Meilleur Ouvrier de France, est un appel à la gourmandise toujours renouvelé. Albi est également riche de ses terroirs, où s’épanouissent des cépages au caractère marqué.
La cave Labastide a développé grâce à eux une palette de vins d’une grande diversité, composée de blanc sec et doux, perlé et effervescents, rouge, rosé et primeur.
Enfin, la visite d’Albi pourra s’achever par une promenade en gabarre, bateau traditionnel à fond plat circulant sur le Tarn, et offrant des panoramas uniques sur le patrimoine albigeois.
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