mer. Déc 18th, 2024

La Mosquée-Cathédrale de Cordoue se distingue comme l’un des monuments les plus remarquables au monde, représentant un témoignage exceptionnel de la fusion entre l’art et la foi à travers les âges. En plus d’être impressionnante, cette structure reflète de manière saisissante l’histoire de l’Espagne.

Un Édifice Historique

La Grande Mosquée de Cordoue ne porte pas le nom de son créateur Abd al-Rahman Ier (731-788). En réalité, elle est le fruit d’une dynastie entière. Sa construction et ses extensions ont eu lieu entre les VIIIe et Xe siècles, sous l’influence des émirs et califes omeyyades qui gouvernaient al-Andalous. Seul Al-Mansour, le dernier à intervenir, n’appartient pas à cette lignée. Le monument est situé près du Guadalquivir, anciennement connu sous le nom de ouadi al-kebir, à la sortie du magnifique pont romain, à l’endroit où passait la Via Augusta, la route principale de l’Hispanie antique reliant les Pyrénées à Cadix. Cet emplacement était à la fois un point de passage et un site stratégique. Ses murs crénelés et ses contreforts robustes lui confèrent l’apparence d’une forteresse, une véritable « citadelle de la foi ».

Centre de la Vie Médiévale

La Grande Mosquée était au cœur de la ville médiévale et était étroitement liée au palais des émirs. Un passage couvert reliait les deux édifices, et l’ancien alcazar, surmonté de tours carrées, a été transformé en palais épiscopal. Ce site de pouvoir fut délaissé par les califes après l’établissement, en 936, de la cité palatiale de Madînat al-Zahrâ, située à quelques kilomètres. C’est dans la Grande Mosquée que la communauté se rassemblait pour la prière du vendredi et écoutait l’imam prononcer le prône, en présence du roi ou de son représentant. Ce lieu de culte était également l’un des rares espaces publics de la ville, servant de forum où le cadi administrait la justice et où les savoirs islamiques étaient transmis aux plus démunis.

Architecture et Agrandissements

Un Modèle Hypostyle

La Grande Mosquée de Cordoue illustre un type architectural très courant dans les débuts de l’Islam : la mosquée hypostyle, souvent désignée comme « arabe » pour la distinguer des modèles iranienottoman et moghol. Cet espace est composé d’un enclos, carré ou rectangulaire, incluant une cour avec des portiques et une salle à colonnes ou à piliers. Selon l’historien Oleg Grabar, cette architecture présente une « grande flexibilité de composition », permettant de s’adapter aisément aux évolutions démographiques ou sociales, tout en facilitant l’agrandissement ou la réduction de l’espace de prière.  

Agrandissements Successifs

La Grande Mosquée de Cordoue n’a pas été construite en une seule fois, mais a bénéficié de trois agrandissements pour accueillir un nombre croissant de fidèles dans une ville en pleine expansion. Cela a été réalisé sans altérer la structure de la salle de prière originelle, qui se situe dans la zone nord-ouest de l’actuelle mosquée, près de l’entrée pour les visiteurs.  

Un Édifice Imprégné d’Opulence

La nouvelle section, souvent désignée comme la « mosquée dans la mosquée », marque une rupture significative avec le reste de l’édifice. Des documents arabes témoignent des résistances rencontrées par ce projet onéreux au sein de la communauté. Abd al-Walid al-Marrakeshi rapporte que les habitants de Cordoue refusèrent de prier dans cette nouvelle partie tant qu’ils n’avaient pas d’informations sur les sources de financement.

  • Arcs polylobés
  • Plafonds en bois ornés de motifs floraux
  • Coupoles somptueuses reposant sur des nervures entrecroisées au-dessus de la maqsura réservée au calife et à son entourage
  • Mihrab en forme de salle octogonale
  • Un nouveau passage menant à l’alcazar

Ces éléments témoignent de l’opulence qui entourait le calife dans son palais de Madinat al-Zahrâ. Certains aspects décoratifs évoquent clairement le passé omeyyade, notamment le choix des mosaïques pour la qiblah et les coupoles de la maqsura. Au début du XIVème siècle, l’historien andalou Ibn Idhari rapporte qu’Al-Hakam avait contacté le roi chrétien (l’empereur de Byzance) pour lui demander d’envoyer un artisan talentueux, s’inspirant des mosaïques que le calife omeyyade Al-Walid avait fait réaliser lors de la construction de la Grande Mosquée de Damas. Un autre aspect atypique dans l’architecture islamique réside dans les trois arcades de la qiblah, correspondant au Trésor, au mihrab, et au passage vers le palais. Pourrait-on établir un lien avec la triple abside de certaines églises mozarabes, comme celle de San Miguel de Escalada (province de León), datant du début du Xe siècle ? Cette configuration a-t-elle été adoptée de manière inconsciente dans un contexte de coexistence pacifique entre les communautés chrétienne et musulmane ?

Dernière Extension : Une Affirmation de Force

La troisième et dernière extension se distingue par un retour aux sources, rompant avec les excès d’Al-Hakam II. Elle témoigne probablement du rigorisme religieux du chambellan surnommé Al-Mansour (« le Victorieux »), qui prend le contrôle d’Al-Andalous en 976, profitant de la vulnérabilité d’un calife enfant. La salle de prière est élargie pour la première fois vers l’Est, ajoutant huit nefs aux onze existantes, et la cour est étendue de manière proportionnelle. Ce changement d’orientation fait perdre au mihrab sa place centrale. Celui qui n’était ni calife ni descendant des Omeyyades manifeste ainsi une claire démonstration de pouvoir tout en s’inscrivant dans une continuité, à travers des arcades infinies. La forêt de colonnes s’étend désormais à perte de vue.

 

En 1146: 1ère Consécration de la Cathédrale
1236: 2ème Consécration comme temple catholique
1371: Enrique II fait achever la Chapelle Royale