Au 16e siècle, le Château de Kerjean est à la fois une demeure à la pointe du raffinement et une forteresse imprenable. Les constructeurs de Kerjean ont pris pour modèle les architectes de leur temps tout en innovant dans les domaines de l’apparat et de la défense.
joyau de la Renaissance bretonne
À l’orée du Léon, surgit une silhouette que l’on n’attend pas. Massif, géométrique, somptueux, le château de Kerjean apparaît comme un mirage de pierre au milieu de la campagne bretonne.
Posé sur un parc de vingt hectares, il incarne les rêves, les réussites, et l’ambition d’une famille qui voulait gravir les marches du pouvoir.
Une ascension gravée dans la pierre
Dans les années 1570, Louis Barbier, héritier
d’une famille qui a connu l’ascension sociale, fait
ériger une résidence sur les terres d’un ancien
manoir : une demeure qui dépasse toutes les
autres dans le Léon. Car Kerjean ne se contente
pas d’être un château : c’est un manifeste. Le
mélange, rare, d’une obsession militaire et d’un
attrait pour le beau, le raffiné. À l’intérieur d’un
mur d’enceinte de plus de dix mètres d’épaisseur,
des décors sculptés, un portail d’honneur,
une chapelle délicatement ornée, sont là pour
impressionner. Le parc, lui aussi, contient des
symboles de pouvoir, à l’instar du colombier et
des piliers de justice.
Tour à tour, le domaine passe entre les mains de
plusieurs propriétaires. Parmi eux, une marquise,
un mousquetaire ou encore un corsaire du roi.
Mais les générations suivantes dilapident, les
dettes s’accumulent et le domaine se fragilise.
Une femme, Gabrielle Barbier, parvient à
redresser la barre à la fin du XVIIe siècle. La
petite-fille de Gabrielle, Suzanne-Augustine
de Coatanscour, est la dernière marquise de
Kerjean. Mais la Révolution emporte le reste.
Pillé et abîmé, Kerjean ne retrouvera un nouveau
souffle qu’en 1911, quand l’État l’acquiert et le
classe Monument Historique.
Un château résolument breton
Kerjean n’est pas un château comme les autres.
Il épouse les codes de la Renaissance, mais
conserve son âme bretonne. Ses sablières
sculptées, la proximité entre logis, écuries et
cuisines racontent l’histoire et les traditions
locales. Son enceinte fortifiée rappelle aussi les
tensions religieuses qui déchiraient la Bretagne
au XVIe siècle.
L’Histoire s’invite dans chacune des 25 salles
visitables aujourd’hui à travers l’exposition
« Les riches heures de Kerjean », qui retrace
l’existence du domaine, les secrets de la famille
Barbier ou encore le quotidien des habitants et
du personnel. Quant à l’étonnante collection
de mobilier du Léon (coffres, lits clos, armoires,
presses à lin…) datée de 1588 à 1751, elle
témoigne de la prospérité d’une région portée
par l’industrie toilière.
Un château qui pulse
Aujourd’hui, Kerjean continue de vibrer. Ici, l’Histoire se vit. Les expositions interrogent
régulièrement un pan de la Renaissance, en lien avec notre époque. Les parcours
immersifs invitent à revivre le quotidien d’un seigneur ou à s’installer pour un petit-
déjeuner au château. Les jeux d’enquête réveillent les intrigues de la famille Barbier,
et les festoù-noz remplissent la cour de danseurs. Le soir venu, en été, les Nuits de
Kerjean font vibrer les murs de pierre, tandis que novembre les illumine d’un sublime
marché de créateurs.
Le roi Louis XIII a salué la beauté de
Kerjean… sans jamais y poser le pied !
Preuve que sa réputation dépassait
déjà largement les frontières du
Finistère.
Kerjean, un château des Lumières au
18e siècle. Le marquis Louis-François
Gilles de Kersauzon, l’un des quelques
4000 possesseurs de la première
édition de la fameuse Encyclopédie
faisait pousser des melons sous
cloche à Kerjean